Episode 2 ARTCENA-Grands Prix : "Poings" de Pauline Peyrade
- Lire et faire lire du théâtre contemporain
04-10-2018
ARTCENA organise et accompagne, au sein de ses différentes missions, les Grands Prix de Littérature dramatique et de Littérature dramatique jeunesse. Huit finalistes ont été sélectionnés par un jury, présidé par Marie-Agnès Sevestre. La cérémonie des Grands Prix aura lieu le 15 octobre prochain au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Voici, notre deuxième chronique: « Poings » de Pauline Peyrade, publié aux Editions des Solitaires intempestifs, en 2017.
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Poings plonge le lecteur tout droit au cœur des âmes et des corps des personnages : TOI, MOI, LUI. Par une écriture directe et acérée, l'autrice donne à voir les tournants et les tourments d'une histoire d'amour... toxique. Utilisant les didascalies comme les indications de tempo musical et alternant les dialogues et monologues impressifs, Pauline Peyrade orchestre cette relation et pousse son lecteur à ressentir, à s'interroger, à réagir.
Elle réussit le tour de force de mettre le lecteur au milieu de son dispositif et ainsi impose de regarder des situations dites sensibles, universelles et essentielles. Elle interpelle les limites entre amour et emprise, entre jeu et agression.
Poings, à travers les étapes classiques d'une histoire d'amour, révèle les instants de doute, de perte de repères et de ressaisissement de soi : de son corps, de sa vie.

Extrait 1 P.20-21
OUEST
120 battements par minute.
Moi, piano.-Il te rejoint sur la piste. Il est beau. Il a l'air heureux.
Toi, chante, piano.-You can't hurt me cause I know you love me.
Moi, piano.-Il se penche et te crie quelque chose dans l'oreille.
Lui, forte.-" Salut"// Toi, pianissimo.-" Salut"
Moi,mezzo.-Tu ne comprends pas. Il répète. Ses yeux changent de couleur.
Lui, forte.-" Comment tu t'appelles?" // Moi, mezzo.- Ses mains sont immenses.
Moi, mezzo.-Tu ne comprends pas. Il te regarde. Tu souris. Il attrape ton menton. Ça te fait mal.
Lui et Toi, pianissimo- Il y a quelque chose de pur au bout de cette violence.
Moi, mezzo.- Il parle parle encore. Sa voix est douce;
Lui et Toi, pianissimo- Il y a quelque chose de pur au bout de cette violence.
Moi, mezzo forte.- Tu lui fais un signe encore. Il ne comprend pas.
Toi, forte.- " Je ne comprends rien !".
Moi, mezzo forte.- Il ne comprend pas.
Lui, forte.- "Je n'entends rien !"
Moi, mezzo.- Il te regarde. Ses yeux deviennent tout noirs.
0 battement par minute.
Lui, mezzo.- Tu es belle. tu veux danser?
120 battements par minute.
Extrait 2 p.39-40
NORD
« La femme très belle pose la main sur mon cou. Je la regarde. Elle ne dit rien mais je sais qu'elle dit quelque chose. Elle m'essuie le front. Les bras. Les seins. Les épaules. Ça brûle. Elle m'essuie tout le corps. Le ventre. Le sexe. Je tousse. Elle me fait signe de me taire. Je ne comprends pas. Elle enfonce son poing dans ma bouche. Ça fait mal. Je crie. Elle enfonce. Sa peau frotte contre ma gorge. J'essaie de la mordre. Je n'ai plus de dents. Elle enfonce. Le noir est partout. Je la pousse. Mes bras ont disparu. Je pousse. Je pousse encore. »
Poings de Pauline Peyrade, Les Solitaires Intempestifs, 2017.
